"La vie est un changement permanent et la seule chose qui ne change pas, c'est que tout change tout le temps", dicton oriental.
Le propre de l'homme n'est-il pas d'évoluer, de découvrir de nouvelles technologies, de nouvelles façons de vivre, de nouvelles idées...? le but à l'origine était la survie de l'espèce. Désormais, un peu plus difficile à dire mais le principe est le même, l'homme a besoin d'évoluer car il l'a toujours fait. Donc nous sommes toujours appelés à proposer des pistes d'évolution, à prôner le changement, à trouver des pistes pour nous faciliter la vie...
En entreprise ou dans les services publics, cela se concrétise par des investissements en R&D, par la création de start up, par la mise en place de procédures qui faciliteront notre quotidien. Cela se traduit également par des réorganisations permanentes que beaucoup estiment trop fréquentes mais qui ne font que suivre le besoin de l'homme d'évoluer, de bouger, de changer. Quoi qu'il en soit, dès qu'une crise arrive, qu'un problème apparait, la première réaction est de proposer des solutions de changement pour que l'on sorte de la crise, ce qui est plutôt sain tout de même.
Le changement ça nous connait. Combien de réformes l'état a réalisées? combien de réorganisations les grands groupes ont vécues? Nous sommes les champions pour proposer de belles théories qui sur le papier résolvent les problèmes.
Par contre, le déploiement des actions nécessaires pour atteindre notre objectif, l'accompagnement des personnes qui doivent favoriser le changement, qui subissent le changement...? qu'en est-il? faisons-nous réellement tout ce qu'il faut? surtout que tout cela doit se faire tout en continuant à faire le travail quotidien. L'accompagnement au changement est donc très souvent le parent pauvre des bonnes résolutions de changement. Comme les résolutions de nouvelle année. On y pense, on veut s'y tenir, mais on ne peut pas s'empêcher de louper le déploiement des actions pour atteindre notre but. Et pourquoi? souvent parce qu'on n'en a pas réellement envie, parce qu'on nous impose le changement. On ne le vit donc plus comme une opportunité de découvrir le meilleur mais plutôt comme une contrainte, une modification de notre quotidien et en fait ce quotidien, bah il n'est pas si mal que ça. Certes nous râlons, nous disons vouloir que ça change, mais bon...tout bien réfléchis...nous préférons en parler que de l'appliquer.
Je discute très souvent avec des amis instituteurs/trices. A chaque fois, j'entends parler des nouvelles directives, de publications au Journal Officiel. J'entends aussi parler du pouvoir des syndicats qui ne représentent plus forcément les professionnels de l'éducation ou encore du calcul de points pour savoir si le salaire va évoluer, si la mutation tant attendue va pouvoir se concrétiser. Je lis également beaucoup de choses venant de l'Etat avec des réformes, des idées, des grands discours sur le bienfait de l'éducation dans notre pays, que cela est une priorité, que la République a besoin d'une Education Nationale forte.
Un point manque cruellement à chaque fois lors de mes discussions : les changements demandés sont-ils accompagnés? quasiment à chaque fois la réponse est non. Mon propos n'est pas de dire que le gouvernement ne fait pas son boulot, que les instituteurs/trices ne font pas leur boulot, que les inspecteurs de l'éducation nationale, les recteurs ou autres ne font pas leur boulot, non, ce n'est pas mon propos. Je me pose simplement la question de savoir comment sur une organisation telle que celle-ci les préceptes de la conduite du changement peuvent réellement s'appliquer. Quand on pense que pour faire avancer 30 personnes cela peut vite devenir compliqué, alors imaginez 323 000 enseignants pour près de 5,8 millions d'élèves (maternelle et primaire dans le public). Ajoutez que les équipes enseignantes sont réparties sur 47 000 établissements scolaires et que chaque nouveau ministre amène de nouvelles directives, cela peut vite compliquer la donne.
Avant de continuer, je souhaiterai rappeler ma vision des étapes de l'accompagnement au changement :
1. fixer un objectif
2. expliquer cet objectif
3. expliquer les actions qui vont être menées
4. accompagner le déploiement des actions permettant d'atteindre ses objectifs
5. assurer un suivi régulier de l'avancement
6. féliciter lorsque l'objectif a été atteint
Le problème, comme déjà dit plus haut, c'est que le changement est voulu par certains, nécessaire certainement mais qu'il se fait en plus du travail quotidien, que cela coûte de l'argent et qu'au lieu de le voir comme un investissement, il ressort très souvent comme une ligne de coûts et donc passe en second plan très rapidement dans certaines entreprises et j'imagine dans le service public également (sans faire de généralité bien entendu).
Si je reprend l'exemple de l'Education Nationale, très régulièrement des changements sont souhaités par le ministère. Des directives sont données, des réunions peuvent être menées par l'inspecteur de l'éducation nationale auprès des instituteurs/trices, des débats peuvent s'instaurer avec les mairies...mais les principaux concernés par ces changements sont-ils formés? les instituteurs reçoivent-ils l'accompagnement nécessaire pour faire en sorte que tout se passe bien? leur explique-t-on comment accompagner le discours auprès des parents d'élèves, des élèves eux-mêmes?
Je suis un fervent défenseur de l'Education Nationale car je pense que l'éducation doit être la priorité dans tout pays, comme la formation dans toute entreprise. Le savoir, la connaissance sont des atouts merveilleux pour avancer, s'épanouir et savoir vivre ensemble. Mais quand j'entends mes amis me dire que lorsqu'une charte est proposée, ils ont juste reçu un mail avec la dite charte sans trop d'explication en plus. Quand je les entends dire que certains instituteurs sont tellement indépendants (on ne parle même plus d'autonomie) qu'ils n'appliqueront jamais ce qui est demandé...je pense qu'il y a quelques trous dans la raquette.
En entreprise, c'est pareil. Si je prend l'exemple de groupes internationaux, de part mon expérience ou par mes discussions avec amis et connaissances, il s'avère que tous les 6 mois il y a des changements d'organisation, il y a de nouvelles idées qui fusent tous les mois...Il y a certes des agents du changement qui sont nommés. Il y a de belles présentations qui sont faites. Des posters sont placardés sur les mûrs, sur l'intranet...mais au quotidien, les salariés sont-ils formés aux changements demandés? les manager (essentiellement le middle management) sont-ils accompagnés pour déployer ces changements? sont-ils aptes à bien retranscrire le pourquoi, à donner du sens par rapport à la situation?
Et pourtant, les changements se font. En laissant sur le bord de la route certaines personnes (ceux qui sont contre, ceux qui n'ont pas réellement compris pourquoi ce changement...), en en mettant d'autres en avant (ceux qui ont compris le pourquoi, ceux qui ont un intérêt évident à appliquer le changement...). La plupart des salariés sont tellement habitués à changer qu'ils avanceront quoi qu'il arrive au bout d'un certain temps. Donc à quoi bon mettre en place des plans d'action? à quoi bon s'ennuyer à dépenser, à perdre du temps, à former...?
Peut être par soucis de bien faire? peut être parce que l'investissement à terme est sûr de rapporter? Peut être parce qu'il y a un lien de subordination entre le salarié et son employeur? Peut être parce qu'un changement mal accompagné peut générer des complications durant plusieurs mois, années et que cela aura comme conséquence la nécessité de mettre en place un nouveau changement? Malheureusement, ce changement là ne servira pas l'intérêt commun mais sera là juste pour colmater une anomalie. Le cercle vicieux du changement néfaste est lancé, et la spirale est très complexe à arrêter.
Je reste convaincu que le changement est bon et qu'il est nécessaire pour avancer, évoluer, découvrir, vivre. Reste à apprendre à l'accompagner.